Histoire de Warcraft 3 – Partie 2

20/06/20 0 Par TinkeR

Warcraft 3 dans l’esport


SOMMAIRE GÉNÉRAL DU DOSSIER HISTOIRE DE WARCRAFT 3


 

Je vous parle d’un temps …

Si aujourd’hui on peut se payer le luxe de regarder les streams ou les VODs pour pouvoir visualiser les parties des joueurs sur WarCraft III, cette épôque ne permettait pas au bas-peuple d’avoir systématiquement accès au haut-débit. Par conséquent, le streaming était inexistant et les seuls moyens à notre disposition pour pouvoir suivre les matchs en direct, c’était la Waaagh!TV. Derrière ce nom barbare se cache en fait un logiciel client/serveur qui permet à tout le monde de pouvoir suivre en observateur, en direct, une partie de WarCraft III (un peu comme HLTV pouvait le faire, sur la forme, pour les matchs de Counter-Strike.)

L’indispensable duo pour tous les fans de l’époque


Afin d’avoir en simultané les commentaires, il fallait lancer son client audio (comme Winamp) en utilisant la technologie SHOUTcast, rentrer l’adresse IP qui était généralement communiquée via les principaux sites d’actualités, et caler la Waaagh!TV pour pouvoir en profiter. En France, Llewellys a popularisé le système, avant d’être repris par divers acteurs des webradio comme NetG-Radio ou CXRadio par l’intermédiaire de BeBz ou d’Asuka notamment. En Anglais, Kim « bunny » Phan (devenue un temps cadre esport chez Blizzard) et KidArctica tenaient régulièrement ce rôle, parmi d’autres.

Les VODs étant plutôt compliquées à télécharger (vidéos lourdes pour l’époque, YouTube n’existait pas, …), le plus simple était donc de récupérer les replays, fichiers produits directement par le jeu et créées par ou bien l’un des joueurs, ou bien l’un des observateurs, et permettant de revisionner la rencontre depuis le jeu. Plusieurs sites Internet en proposaient en téléchargement : WCReplays.com, Replayers.com ou bien Replay-fr.com (RFR) en France. Mais c’est surtout vers le site chinois Replays.net qu’il fallait se tourner si l’on voulait obtenir les replays des gros joueurs coréens, et des dernières compétition OGN, MBC et autres WEG, malgré l’accès parfois lent au site de par la position géographique de l’hébergeur.

Replays.net, la référence en matière de replays coréens


Non content de mettre à disposition des replays, Replays.net sera à l’origine d’une des équipes les plus impressionnantes que WarCraft III ait pu connaitre, avec un mélange d’anciennes gloires et de nouvelles, une sorte de Real Madrid époque Galactics : les World Elite (WE). La lineup impressionnante était entre autres constituée de : Sweet, DayFly, Swain, Check, suhO et Sky. Avec MYM Hanbit (Susiria, Lucifer, FarSeer, ShowTime) et les Four Kings (Grubby, ToD, FoV, FuRy, Zeus), ce trio d’équipes avait le don de faire frissonner quiconque passerait sur leur chemin. Plus près de chez nous, 64AMD est dissout pour revenir sous une autre forme, l’équipe Fnatic, intégrant des joueurs tels que Bjarke, Creolophus, RotterdaM, Caravaggio ou encore SaSe.

La Corée s’effondre, Sky porte la Chine

2005 est également une année noire pour WarCraft III en Corée du Sud puisqu’un nouveau scandale éclatera au grand jour : celui des cartes de la MBC Prime League. À cause de la domination des joueurs NE toujours plus grande, et d’une descente aux enfers des Orcs (causant une perte d’audience), il a été révélé que les cartes utilisées par la compétition avaient été légèrement modifiées pour favoriser les Orcs, et diminuer les Elfes de la Nuit (modification des vitesses d’attaque, de régénération, cooldown, etc.). Le ramdam provoqué a accéléré le quasi-abandon de WarCraft III par les deux grosses structures coréennes qu’étaient OnGameNet et MBC, et le départ des Coréens à l’étranger.

Petite parenthèse tant qu’on est plus ou moins dans le contexte, il faut savoir à propos des cartes que contrairement à StarCraft II, les compétitions sur WarCraft III n’ont tourné essentiellement qu’autour des mêmes, quasiment tout le temps dont les plus connues: Rocher de la Tortue (Turtle Rock), Prairies Ravagées (Twisted Meadows), Le Temple Perdu (Lost Temple), Bois des Gnolls (Gnoll Wood) puis plus tard Îles Echo (Echo Isles). Encore aujourd’hui, Îles Echo fait toujours partie du mappool standard.

Accompagnant la chute de la Corée du Sud, la Chine commence à s’éveiller, portée par un Sky de plus en plus présent en 2006. Le Blizzard Worldwide Invitational va sacrer Sweet, vainqueur de Grubby en grande finale, et envoyer ShowTime définitivement en retraite, partant sur une honorable troisième place.

La Chine donc, nouveau pays de WarCraft III, accueille à Hangzhou les WEG Masters, les joueurs alignés font froid dans le dos et annoncent alors du très lourd :

  • Moon, considéré comme meilleur joueur au monde
  • ToD, l’un des deux meilleurs joueurs Humains avec Sky, aussi invité
  • xiaOt, le prodige Orc venu de Chine
  • GoStop, un des Princes Morts-vivants
  • Zacard, deuxième meilleur joueur Orc au monde derrière Grubby à cette époque, également invité

Avec un début de compétition proche du catastrophique pour ToD qui passe quasiment à côté de sa phase de groupes (s’inclinant contre GoStop et Moon, mais parvenant à se qualifier in extremis en match de barrage), le reste du tournoi s’avérait difficile pour le Français au regard de ses performances en première phase. Les affiches des demi-finales sont malgré tout des plus alléchantes : Sky affrontera ToD pour le titre officieux de meilleur joueur Humain, et Moon affrontera Grubby pour celui de meilleur joueur au monde, un véritable scénario de rêve.

Sur le papier, le plus probable était de voir Sky affronter Moon. C’était bien vu, les deux joueurs vont bel et bien se rencontrer … en match pour la troisième place. En effet, ToD parvient à se défaire de Sky sur le score sans appel de 3 à 0, tandis que de son côté, Grubby élimine Moon 3 à 1.

La finale sera donc 100% Européenne et au terme du Bo5, le « Romantic Human » s’impose 3-1 face à Grubby, remportant probablement là son titre le plus prestigieux, et s’imposant comme l’un des ténors du jeu. Quelques mois plus tard, Sky inversera la vapeur et battra ToD en finale des WCG.

Dans les coulisses des WEG Masters 2006


De son côté, Lucifer s’impose avec Sweet comme l’un des Mort-vivants de l’année avec sa victoire lors de l’ESWC 2006 face à Zeus ; mais globalement, Moon et Grubby restent relativement intouchables aux deux premières places mondiales, avec un Sky/ToD (pick one) complétant le podium.

2007, l’année de tous les records

L’on arrive alors à ce qui sera la plus grosse année qu’ait connu WarCraft III, que ce soit en termes de nombre de tournois que d’argent dans le sens large (l’argent investi dans les compétitions sera, d’après les estimations, doublé, dépassant le million de dollars).

2007 sera l’année où Moon remportera pas moins de onze titres (performance juste hallucinante, du jamais vu encore aujourd’hui), son salaire avoisinant les 10 000$ par mois, pour une masse salariale versée à la globalité des joueurs de chez MYM atteignant les 300 000$.

Moon concentré


2007 sera l’année où ToD remportera le Blizzard Worldwide Invitational face à FoV et remportera le prix de joueur WarCraft III de l’année (devant Moon, assez étonnement), mais surtout 2007 sera l’année où enfin un « foreigner » autre que Grubby ou ToD brillera sur le plan international.

Il ne fallait pas aller le chercher bien loin : encore une fois, il viendra des Four Kings : Olav « Creolophus » Undheim. Le Norvégien, ex-64AMD et Fnatic, qui se dirigeait pourtant vers un départ en retraite, va remporter la BlizzCon 2007, devant ReMinD (probablement le deuxième meilleur joueur NE coréen derrière Moon) et Grubby.

Son talent n’était inconnu de personnes et tout le monde connaissait son niveau, mais la performance qu’il va réaliser en fin d’année relève du véritable exploit, ToD qualifiera même cette performance « comme impossible » et ne « pensant pas que cela puisse être réitéré un jour».

Creolophus, alors déjà inactif, remportera en effet ni plus ni moins que le Saint Graal de la compétition WarCraft III, les WCG 2007, au nez et à la barbe de Sky, annoncé pourtant vainqueur avant l’heure, sur le score de 2 à 1 … avant de quitter définitivement la scène esportive. En plus de s’imposer comme l’un des meilleurs joueurs Occidentaux, Creolophus partira en retraite au sommet de sa gloire, chose qui n’était encore jamais arrivé auparavant.

Tout simplement le plus grand hold-up de l’histoire du jeu.

Creolophus, le surprenant vainqueur des WCG 2007


Derrière Grubby, un autre Orc commence à pousser tandis que le Néerlandais ne remportera aucun gros tournoi cette année (tout juste six « pauvres » podiums). Il s’agit de l’ex-joueur de chez Lof, Park « Lyn » Joon, qui terminera l’année sur une victoire finale aux Intel Extreme Masters de Los Angeles face à Lucifer, et lors des MGC 2007 contre Moon.

Le début de la fin du règne pour le joueur de chez 4K ? C’est en tout cas une question qui peut légitimement se poser puisque les soucis que rencontre avec les sponsors l’équipe qui l’accueille sont un secret de polichinelle, confirmée par le départ de ToD, puis par l’officialisation dès début 2008 de la dissolution des Four Kings, équipe désormais rentrée dans la légende.

Avec l’annonce de la sortie future de StarCraft II, les investisseurs ont commencé en fin d’année à être un peu plus réticent à l’idée de mettre de l’argent dans un jeu qui n’en aura peut-être plus pour très longtemps, et même si 2007 fut une année dorée pour WarCraft III, 2008 annonçait un avenir moins radieux pour le RTS de chez Blizzard, qui fêtait déjà ses cinq années d’existence bien tassées.

Comme un symbole, le Bulgare Insomnia (déjà sur le déclin depuis quelque temps), vainqueur des WCG 2003 et véritable légende annonce son départ en retraite en décembre 2007.

Une page se tourne

L’année 2008 sera l’année de Lyn. Avec six tournois remportés, il coiffe Moon sur le poteau (cinq victoires) et pour la première fois depuis 2004, rétrograde Grubby à la deuxième place des meilleurs Orcs au monde. Derrière, une armada de Chinois suit le wagon lancé par Sky : Fly100%, TH000, TeD ou encore infi montent le niveau toujours plus haut.

En Europe, exit donc les Deadman et autres Insomnia, la relève s’appelle désormais Happy (déjà présent sur la scène depuis quelque temps) et LucifroN. Le Russe et l’Espagnol, que l’on a pu beaucoup voir sur StarCraft II ces dernières années, réaliseront de très beaux parcours notamment lors de la BlizzCon (aussi bien les qualifications que le main event où ils parviendront tous deux sur le podium, derrière Lyn).

La vague rouge se confirme en 2009 où sept des onze tournois majeurs sont remportés par des Chinois, dont trois par Sky, et trois par Fly100%. Grubby remportera sa toute dernière compétition officielle sur WarCraft III, les World e-Sports Masters, où il s’imposera face à Moon dans un classico. Moon ne gagnera rien cette année ne réalisant que trois podiums, avant de remporter la NGL One en 2010 face à … Grubby.

ReMinD sera l’un des derniers grands représentants de la Corée, ramenant à la maison les WCG 2010 et la BlizzCon devant respectivement Grubby, puis Infi. Ce fut ici la dernière année réellement « active » pour WarCraft III, avant sa lente mise au repos.

Les WCG continueront malgré tout de proposer un tournoi sur le jeu jusqu’en 2013. En 2011, Lyn remporta le trophée, avant de le laisser filer aux mains de TeD l’année suivante, puis TH000 en 2013.

Les World Cyber Arena et les World e-Sport Championships sacreront Infi par deux fois en 2014, et la Chine continuera de porter haut les couleurs de WarCraft III par la suite.

La période de mise sous perfusion connue depuis 2010 tiendra à quelques acteurs locaux ici et là, et à la passion de la communauté restante : Back2Warcraft, W3Arena notamment, jusqu’à l’annonce de la sortie de Reforged qui inversera un temps la tendance, mais jusqu’à quand ?

Qu’en retenir ?

WarCraft III aura connu de nombreuses périodes de domination : tantôt occidentales, majoritairement coréennes, et sur sa fin de sa première vie quasi-entièrement tournée vers la Chine.

Compte tenu de l’activité de la scène internationale dans les années 2010, l’âge d’or semble s’étendre de 2004 à 2008, ère dominée par cinq hommes : Moon, Grubby, Sky, ToD et Lyn.

S’il fallait n’en retenir qu’un, pas de surprise, ce serait évidemment Moon : jamais un joueur n’aura autant écrasé de tout son poids la scène, jamais un joueur n’aura autant innové par ses stratégies, inspiré autant de professionnels à travers le monde.

Spirit_Moon aura révolutionné le jeu Night-Elf et ça n’est certainement anodin si on le qualifia de « cinquième race ».

Plus gros salaire jamais distribué sur WarCraft III (10 000 $ mensuel chez MYM, puis jusqu’à 500 000 $ annuel chez WeMade FOX), une trentaine de tournois majeurs gagnés, plus de cinquante podiums, pas loin de 560 000 $ remportés tout au long de sa carrière, award KeSPA du meilleur joueur WarCraft III 2005, 2006, 2007, joueur GGL WarCraft III de l’année 2007, award du joueur eSport coréen de l’année 2008, award du meilleur joueur WarCraft III de l’année 2008, et award du joueur esport de l’année 2008, Moon aura traversé tous les âges, parvenant au mieux au sommet, au pire parmi les meilleurs, et aura marqué au fer rouge le jeu, la scène, les RTS et l’esport en général.

À suivre…

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